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The Banshees of Irisherin, immersion dans un autre temps

  • kissmaganga
  • 12 janv. 2023
  • 4 min de lecture

Un nuage d’un blanc immaculé se dissipe peu à peu pour révéler une île à l'herbe verte baignée dans une lumière éclatante. Des plans se rapprochant progressivement pour finir sur le visage souriant d'un homme, un arc-en-ciel complétant ce tableau de plenitude accompagné d'un chant ressemblant à une ode à la vie. En parfaite opposition, une montée éloignant inexorablement du feu de l'action et qui dévoile une île sombre plongée dans l’ombre d’un nuage. Une histoire est mémorable pour son début et sa fin et ces deux scènes dont Martin McDonagh a choisi commencer et terminer son film The Banshees of Irisherin ont bel et bien accompli la tâche de le rendre mémorable. Ces scènes introduisant et retirant l’île irlandaise fictive d'Irisherin, qui sert de décors aux événements à la fois surprenants et familier que le film dépeint, représentent parfaitement les figurations des notions du temps et d'échelle particuliers que McDonagh a utilisé.


Le film semble construit comme une pièce de théâtre; à la levée de rideau on est plongé dans un univers, dans la vie de gens qu’on épie d’une manière presque voyeuriste et de la même façon que la caméra nous y plonge, elle nous en extrait à la fin. The Banshees of Irisherin raconte une histoire d’amitié, de souffrance, de confiance et de résignation, une histoire parfaitement humaine qui paraît aussi farfelue que banale. Dans le contexte global de guerre civile, les événements arrivant sur une petite île qui semble isolée par le conflit paraissent dérisoires et Martin McDonagh les dépeint premièrement comme tels. Le temps passé à regarder le film rappelle le sentiment d’intercepter brièvement la conversation de la table voisine dans un restaurant, on ne connaît ni le début de l’histoire, ni ce qu'il adviendra de ces gens après qu’ils se soient levés de leurs chaises mais pendant ce laps de temps infime dans l’échelle d’une vie, on est complètement immergé dans l’histoire de leurs joies et peines. Cette dichotomie d'échelle revient souvent dans la perception du film et notamment en ce qui concerne le temps et le contexte.


Le temps est en fait instrumentalisé de différentes manières par McDonagh dans la construction de son récit. Premièrement, faire se dérouler l'histoire exactement entre le premier et le 30 avril 1923 lui donne un air théâtral grave puisqu'elle est contrainte d’arriver à sa conclusion avant la fin du mois. Cette date buttoir, annoncée vers le milieu du film, dirige le rythme du film mais aussi envoie un message au spectateur car confiner l’histoire dans une intervalle de temps précise rentre dans cet esprit d'ouvrir une fenêtre sur la vie d'inconnus. Le message est clair, le spectateur est autorisé à jeter un coup d'œil du 1er au 30 avril 1923 mais après l’accès lui sera révoqué et il ne saura pas plus. Cette construction pourrait créer un sentiment de frustration mais au contraire le sentiment final est plutôt celui d'apaisement. Ce sentiment est en partie atteint grâce aux codes du théâtre repris par le film. La suite de l'histoire de chacun des personnages est suggérée et ça crée une idée de cycle dans le cycle. Une intrigue est présentée et le film s’arrête quand le cycle est complété. Il n’y a jamais d’empressement dans le film, des choses sont annoncées à l’avance et pourtant ni les personnages, ni la narration ne semblent vouloir prendre ces prédictions en compte. Tout au long du film, il y a une insouciance face à la fatalité qui fait que les faits les plus grotesques sont perçus comme banaux. Tout ceci laisse le spectateur avec un sentiment que l’histoire à simplement suivi son cours. Ça participe aussi à humaniser les personnages et les rendre tangibles tout en gardant une distance. On voit un cycle, il les change tout un restant un moment parmi d’autres dans la multitude des cycles d’une vie. Ce message est transmis au spectateur par les personnages eux-mêmes lorsque l’un deux dit à un autre à la fin du film que certaines choses n’ont pas de fin et que c’est mieux ainsi. Leurs vies ne s’arrêtent pas quand la caméra s’éloigne, on sait simplement que nous ne serons pas là pour les observer.


Le film pourrait avoir un air de conte qui commencerait par “Il était une fois …” et finirait par “et ils vécurent” mais il y a un amoindrissement des faits qui leur retire de l’héroïsme présent dans les récits épiques. Il est même difficile de qualifier les personnages principaux d’héros de l’histoire car le film ne semble pas vouloir rendre l’histoire épique mais plutôt montrer un aperçu de ces vies dont on ne se rappelle pas. Il semble dire “voilà ce qu’il s’est passé à Irisherin pendant la guerre”. Le film rend le spectateur témoin de faits que peu entendent et qui se perdent dans la mémoire mais qui pour lui deviendront peut-être une anecdote qu'il pourra relater. Cette interprétation semble d'autant plus vraie que la guerre civil irlandaise dont il est question prend fin le mois suivant, en mai 1923. L'inversion du point d'intérêt dans le film et le simple fait que Michael McDonagh ait pris la peine d’écrire un film sur ces vies oubliées est peut-être sa manière de redonner de l’importance à ces événements qui ne font pas partie de la mémoire collective. Alors qu'un conflit qui troublait un pays depuis des années allait entrer dans une de ces phases les plus importante, The Banshees of Irisherin a décidé de marquer l'arrêt sur des faits qui ont eu bien moins de poids à l'échelle globale mais qui méritent tout de même d'être relatés. De plus, la précision de la fenêtre de temps sur laquelle se déroule l'histoire permet de créer une séparation nette entre le cycle d'avril sur Irisherin et celui de mai pour l'Irlande. Le film fait quelque chose de si rarement vu aussi justement exécuté et c'est ce que le jury des Golden Globes ont pensé puisqu'il a reçu le prix de la meilleure comédie et celui du meilleur script.


Regarder The Banshees of Irisherin c’est voir l’histoire des petits personnages de l’Histoire mais, tout comme le conflit dépeint par McDonagh, qui est arrivé à son paroxysme mais restera toujours une source de tension pour ses protagonistes et affecte de près ou de loin tous les habitants de l’île, le conflit qui anime l’Irlande se poursuit et flotte dans les esprits comme un mal dont on se serait résigné à toujours ressentir les effets. La temps ne s'arrête pas en en attendant que l'orage soit passé et la vie continue peu importe ce qu'il se passe.

 
 
 

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1件のコメント


06.canonniere-plongees
2023年1月11日

nous sommes vraiment plongés dans l’histoire. pour un long article, la lecture reste très intéressante du premier au dernier paragraphe

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